En flânant dans les rues pittoresques de Liège, il est impossible de ne pas remarquer la richesse architecturale qui habille la ville. Nichée dans le quartier du Laveu, la rue Ramoux est l’une de ces artères qui semblent avoir été sculptées par le temps. Depuis 1907, cette rue rend hommage à Gilles-Joseph-Evrard Ramoux, un homme aux multiples talents, prêtre, botaniste, écrivain et musicien. Auteur du célèbre chant patriotique le « Valeureux Liégeois », Ramoux incarnait l’esprit combatif de la ville, un esprit que l’on retrouve aussi dans son architecture. Au numéro 28 se dresse un bâtiment emblématique de cette énergie créatrice : la Maison Rogister, une œuvre de l’architecte Victor Rogister, réalisée en 1905.
Victor Rogister : Un architecte entre tradition et modernité
Victor Rogister, né à Verviers en 1874, est une figure incontournable de l’Art nouveau à Liège. Formé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège, il débute sa carrière aux côtés de Charles Soubre et Paul Jaspar, deux grands noms de l’architecture liégeoise. D’abord influencé par l’éclectisme, Rogister est rapidement séduit par le mouvement Art nouveau, qui embrassait une approche novatrice de l’art et de l’architecture. Sa carrière est marquée par une volonté constante de fusionner les influences européennes, comme la Sécession viennoise, avec les traditions locales.
Imaginez Rogister, jeune architecte audacieux, se promenant dans les rues de Liège à la recherche d’inspiration. Ses créations, comme la Maison Rogister, ne se contentent pas de répondre aux besoins fonctionnels de l’époque. Elles incarnent un véritable dialogue entre la nature, la ville et l’individu, un équilibre harmonieux entre les matériaux locaux et l’esthétique avant-gardiste de l’Art nouveau.
Anecdote : Rogister entretenait des relations privilégiées avec des artisans locaux, tels que les ferronniers et les sculpteurs. Sa passion pour les matériaux et les détails minutieux était telle qu’il était souvent vu en pleine discussion avec des ferronniers, peaufinant des ornements en fer forgé pour ses créations. Cette relation intime entre l’architecte et les artisans se reflète particulièrement dans les ferronneries délicates de la Maison Rogister.
La Maison Rogister : Une architecture raffinée au cœur du Laveu
La Maison Rogister, bâtie sur une rue en pente, illustre à merveille cette approche minutieuse. Elle attire immédiatement le regard par son élégante simplicité et la richesse des détails architecturaux. Le soubassement en pierre de grès, dans différentes teintes, s’élève jusqu’au sommet de la porte d’entrée, tandis que le reste de la façade est revêtu de briques rouges. L’association harmonieuse de la pierre, du bois et de l’ardoise confère à l’ensemble un équilibre parfait, typique de l’Art nouveau liégeois.
Mais l’élément qui capte le plus l’attention est sans aucun doute la baie de l’entresol. Sous une voûte en brique, les clés de pierre encadrent une baie vitrée comprenant une porte, une imposte et des fenêtres, le tout orné de vitraux colorés en jaune et bleu. Ce jeu de couleurs confère à l’ensemble une lumière douce et subtile, donnant presque l’impression que la maison est vivante, qu’elle respire à travers ces vitraux.
De part et d’autre de cette baie, deux sculptures de femmes, signées par le sculpteur Oscar Berchmans, apportent une touche poétique à la façade. Ces bustes féminins, deux bas-reliefs en pierre calcaire, sous un décor floral, captivent l’attention par leur finesse et leur symbolisme. Berchmans, tout comme Rogister, aimait insuffler une dimension humaine et émotionnelle dans ses œuvres.
Anecdote : Les bustes de femmes sculptés par Berchmans sont souvent inspirés de personnes de son entourage. Certains disent que ces sculptures ont des traits communs avec sa sœur Marie, artiste peintre. Cette dimension intime ajoute une couche de mystère et d’émotion à la façade, où l’architecture rencontre l’art.
Symboles et détails cachés : La signature de Rogister
Sous la baie, un autre détail attire l’œil averti : un ensemble de petites fenêtres en triplet, protégées par une ferronnerie particulière. Composée de trois tiges verticales traversant un cercle, cette structure n’est pas anodine. Elle reprend un motif symbolique cher à Rogister, que l’on retrouve également sur la façade de la Maison Defeld, une autre de ses réalisations. Certains y voient un clin d’œil à des symboles maçonniques, reflétant un intérêt pour le mysticisme et la spiritualité dans l’architecture.
La Maison Rogister, toute en simplicité apparente, regorge de détails subtils qui récompensent le regard attentif. Chaque élément, qu’il s’agisse des larmiers façonnés, des pierres émoussées qui marquent les ouvertures, ou de la ferronnerie délicate, témoigne de l’attention que Rogister portait à l’ornementation.
Rogister, un créateur à découvrir dans toute la ville
La Maison Rogister est un parfait exemple de l’Art nouveau à Liège, mais ce n’est qu’une pièce du puzzle architectural que Victor Rogister a laissé à la ville. Son œuvre ne se limite pas à la rue Ramoux. Dans la rue Lairesse, une autre « Maison Rogister » vous attend, portant elle aussi l’empreinte du génie de l’architecte.
Anecdote : Malgré son talent et son influence sur le paysage liégeois, Rogister, comme beaucoup d’architectes de son temps, a dû adapter son style après la Première Guerre mondiale. Le style Beaux-Arts, plus classique, s’imposait alors dans la bourgeoisie. Pourtant, Rogister, même dans cette transition, est resté fidèle à ses valeurs architecturales, fusionnant tradition et modernité.
Conclusion : Un patrimoine vivant à redécouvrir
La Maison Rogister est plus qu’un simple édifice, elle est le témoin d’une époque où l’art et l’architecture dialoguaient pour créer des lieux empreints de poésie et de mystère. En arpentant les rues de Liège, chaque détail de ces constructions raconte une histoire, celle d’un architecte qui savait marier les traditions locales à l’avant-garde artistique.
Aujourd’hui, il est essentiel de préserver ces trésors architecturaux, non seulement pour leur beauté, mais pour ce qu’ils représentent : une ville en pleine mutation, une époque où chaque bâtiment semblait murmurer une histoire à celui qui prenait le temps de l’écouter. Alors, la prochaine fois que vous vous promènerez dans le quartier du Laveu, levez les yeux, laissez-vous captiver par la Maison Rogister, et partez à la découverte des autres œuvres de ce visionnaire qui a laissé son empreinte indélébile sur les rues de Liège.
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