Nicolas Pieper : L’Entrepreneur de l’Armement et sa Quête d’Innovation

Nicolas Pieper, né le 31 octobre 1870 à Liège, a marqué l’histoire industrielle par son héritage familial et son parcours exceptionnel. Fils d‘Henri Pieper, pionnier de la fabrication mécanique des armes, Nicolas a grandi dans l’ombre de l’industrie des armes à feu qui prospérait à Liège. Son père, co-fondateur de la FN et acteur majeur du secteur, lui a transmis dès son jeune âge le goût des inventions et le savoir-faire mécanique.

Dès l’âge de treize ans, Nicolas entame son apprentissage auprès de son père, développant ses compétences dans la fabrication mécanisée des fusils de chasse. Après le décès de son père en 1898, Nicolas prend les rênes des Établissements Pieper, société spécialisée dans la fabrication d’armes. Cependant, la diversification excessive des activités mène à des difficultés financières, et en août 1905, la société est liquidée, évinçant Nicolas et son frère Edouard Herman.

Le tournant dans la carrière de Nicolas survient avec le soutien de son beau-frère Auguste Lambrecht, fabricant de pièces estampées. Ensemble, ils créent la Fabrique d’armes automatiques “Nicolas Pieper”. La nouvelle entreprise se consacre à la fabrication de diverses armes, de fusils de chasse aux pistolets automatiques. Le modèle “Basculant”, fruit d’une collaboration avec l’armurier Jean Warnant, rencontre un succès notable auprès de la Waffenfabrik Steyr en Autriche.

La Première Guerre mondiale interrompt les activités armurières de Nicolas, qui se tourne vers la création de jouets pour les enfants en collaboration avec son frère Henri. Après l’Armistice, Nicolas se lance dans la production du pistolet Légia, une copie du FN Browning 1906. Malgré ses efforts, après 1923, les traces de ses activités armurières s’estompent, et Nicolas décède à Liège en 1933, laissant derrière lui un héritage d’innovation dans le domaine des armes.

La Maison Pieper : Un Chef-d’œuvre Art Nouveau de Victor Rogister

En 1908, l’architecte Victor Rogister donne vie à une œuvre architecturale exceptionnelle pour Nicolas Pieper : la Maison Pieper. Érigée sur le quai Mativa au no 34 à Liège, cette résidence reflète le dernier souffle de l’Art Nouveau dans l’œuvre de Rogister.

La façade de la Maison Pieper est une symphonie de matériaux variés – moellons de grès, pierre de taille, brique, bois, verre coloré, et fers forgés. La composition lyrique de la façade attire l’attention par la profusion d’éléments décoratifs. Au sommet de l’immeuble trône la lettre P, initiale du commanditaire, Nicolas Pieper. L’influence égyptienne est palpable, avec la représentation d’Isis coiffée d’un disque solaire, tournée vers la lumière, et d’Osiris tourné vers la nuit, le Dieu de la mort.

La symbolique maçonnique, chère à Rogister, est également présente. Au dernier étage, Hiram Ier, roi de Tyr, est représenté au moment de son assassinat à la sortie du temple, marqué par trois traits verticaux. Le linteau de la porte arbore une chouette sculptée, et deux hommes semblent écrasés de chaque côté de la porte, symbolisant peut-être la destruction du temple.

Oscar Berchmans, maître liégeois, réalise treize sculptures ornant la façade. Malgré leur nombre, ces sculptures, tout comme celles présentes dans la Maison Piot, ne nuisent en rien à la qualité artistique de l’ensemble. La Maison Pieper est une véritable galerie sculptée, où la symbolique maçonnique se dévoile à travers chaque détail.

La structure de la façade se compose de deux travées aux proportions équivalentes, mais d’une composition distincte. Le rez-de-chaussée privilégie la pierre de taille, tandis que les étages sont dominés par la brique rouge. La porte d’entrée en chêne, finement sculptée, ajoute une touche d’élégance. Les vitraux et petits bois ornent les baies, tandis qu’un oriel apporte une note distinctive à la composition.

Les détails artistiques et symboliques foisonnent : têtes de barbus, angelots, figure d’Isis, carrés de fleurs, chouette, allégories agenouillées. Chaque élément porte une signification, créant une narration visuelle complexe. Au-dessus de la porte trône une chouette au plumage déployé, accompagnée d’allégories représentant la nuit et le jour de chaque côté.

La Maison Pieper demeure un héritage architectural significatif, non seulement pour son caractère Art Nouveau, mais aussi en tant que témoignage de la collaboration fructueuse entre Nicolas Pieper et Victor Rogister. Elle s’inscrit dans la lignée des œuvres notables de Rogister, telles que la Maison Magis, la Maison Piot, la Maison Counet, et la Maison Lapaille, consolidant sa réputation d’architecte de renom.

En conclusion, l’histoire de Nicolas Pieper et de la Maison Pieper offre un regard fascinant sur l’intersection de l’industrie, de l’innovation, et de l’architecture à Liège au tournant du XXe siècle. Leurs récits, bien que distincts, convergent pour créer un tableau riche en héritage et en créativité.