La rue Tour-en-Bêche et l’immeuble de Georges Faniel

Au cœur de la rue Tour-en-Bêche : un immeuble néo-classique de Georges Faniel

Nichée dans le quartier historique d’Outremeuse à Liège, la rue Tour-en-Bêche porte en elle les traces d’un passé riche et mouvementé. Parmi les bâtiments qui jalonnent cette courte artère, l’immeuble situé au numéro 1 attire l’attention par son élégance néo-classique et ses détails décoratifs raffinés. Construit en 1910 par Georges Faniel, un architecte liégeois de renom, cet édifice symbolise à la fois l’histoire du quartier et l’évolution de l’architecture à Liège au début du XXe siècle.
 

L’histoire de la rue Tour-en-Bêche : entre Meuse et Ourthe

 
La rue Tour-en-Bêche, longue d’environ 68 mètres, fait partie intégrante du quartier d’Outremeuse, autrefois une île formée par plusieurs bras de la Meuse. Ce territoire, aujourd’hui intégré à la ville, était autrefois un ensemble d’îlots dont le plus méridional s’appelait Terre en Bêche. Le terme « Bêche » vient du wallon bètche, qui signifie « bec », en référence à la forme des îles.
 
La rue tire son nom de la Tour en Bêche, une imposante fortification médiévale qui se dressait autrefois sur les bords de la Meuse, près de l’actuel quai Churchill. Construite probablement avant le XVe siècle, cette tour ronde faisait partie d’un dispositif défensif essentiel. Reliée par une chaîne métallique à la tour des Croisiers sur l’autre rive, elle empêchait l’accès fluvial à la ville en temps de guerre. Malheureusement, la tour fut démantelée au XIXe siècle, laissant peu de traces de son existence, mais son nom subsiste dans la toponymie de la rue.
 
Parmi les immeubles qui bordent cette rue historique, celui situé au numéro 1 se distingue par sa majestueuse façade néo-classique. Construit en 1910 par Georges Faniel, cet immeuble de trois niveaux repose sur une structure en béton, une innovation pour l’époque, mêlant robustesse et élégance.
La façade, habillée de calcaire et de tuffeau, est rythmée par des refends qui strient l’ensemble de manière régulière.
 
Ce bâtiment présente deux travées, la gauche étant légèrement en ressaut et couronnée par un fronton triangulaire, tandis que l’élément central du premier étage, une loggia rectangulaire, repose sur d’imposantes consoles sculptées en forme de têtes de bélier, un motif qui confère au bâtiment un caractère unique et symbolique.
 
Les fenêtres sont encadrées de pilastres, certains ornés de chapiteaux métalliques. Le décor, d’inspiration symboliste, est particulièrement raffiné avec ses guirlandes entourant des médaillons ovales et ses bas-reliefs représentant des profils masculins.
 
Au sommet de la façade, le fronton est orné de mosaïques turquoise, ajoutant une touche de couleur qui rehausse l’élégance sobre de l’ensemble. Cet immeuble, à la fois classique et innovant, illustre parfaitement l’approche de Georges Faniel, qui savait marier la tradition architecturale et les innovations techniques de son époque.

Georges Faniel : un architecte entre tradition et modernité

Né à Charleroi en 1882 et décédé à Liège en 1959, Georges Faniel fut un architecte prolifique, mais aussi un peintre et sculpteur accompli. Diplômé en architecture en 1904, il s’impose rapidement sur la scène architecturale liégeoise, en collaborant avec d’autres figures majeures du milieu. Son travail se distingue par un mélange d’éclectisme et d’innovation, avec une attention particulière aux détails décoratifs et aux matériaux.

Faniel a également contribué à des projets d’envergure internationale.

 
En 1930, lors de l’Exposition internationale de la grande industrie, sciences et applications à Liège, organisée pour célébrer le centenaire de l’indépendance belge, il participe à la réalisation de trois pavillons majeurs : le Palais des Mines, le Palais des Transports et le Palais de la Chimie en collaboration avec Henri Michel et Victor Rogister. Ces bâtiments témoignent de son engagement à intégrer l’architecture moderne dans des projets industriels d’envergure.
 
Neuf ans plus tard, pour l’Exposition internationale de l’eau en 1939, Georges Faniel participe à la création de la Cité Lacustre, un ensemble consacré aux sports nautiques et à la pisciculture, conçu avec Jacquet, Foidart et Moineau. Ce projet innovant célébrait l’inauguration du canal Albert et mettait en avant le rôle vital de l’eau dans la vie urbaine.

L’héritage de Faniel à Liège

L’immeuble du numéro 1, rue Tour-en-Bêche, est un exemple emblématique du talent de Georges Faniel. Il représente non seulement son goût pour l’élégance classique, mais aussi son attachement à la modernité technique, comme en témoigne l’utilisation du béton armé. À travers ses nombreuses œuvres, Faniel a marqué le paysage urbain de Liège, alliant l’héritage du passé à l’audace de l’innovation architecturale.
 
Aujourd’hui, cet immeuble reste un témoin précieux de l’histoire architecturale de Liège et de la vision créative de Faniel. Il incarne une époque où l’architecture devait répondre à de nouvelles exigences tout en respectant une tradition esthétique forte.
 
Grâce à l’audace et au talent de Georges Faniel, cet immeuble néo-classique continue d’intriguer et de captiver les passants. Il est le reflet d’une époque où l’architecture se trouvait à la croisée des chemins, entre tradition et innovation, et il représente aujourd’hui l’un des éléments essentiels du patrimoine architectural de Liège.
 
Rue Tour-en-Bêche à Liège, un immeuble néo-classique de Georges Faniel